Toto aime Lili

Toto aime Lili

de Michel Sabatéry

Toto aime Lili. Il n’a d’yeux que pour elle. Il trouve qu’elle est jolie comme un cœur et, ce qui ne gâte rien, qu'elle est vaillante, avec la tête sur les épaules et quelque chose entre les oreilles.

N’écoutant que son cœur, Toto a décidé de n'en faire qu'à sa tête, et demande sa main. Mais il n’a pas de veine. Depuis que Lili a perdu son travail, elle a la tête ailleurs.

Pour tout dire, elle a même perdu la main. Vous savez ce que c’est, quand on lève le pied trop longtemps. Le plus embêtant, c’est que Lili a toujours le cœur sur la main, et qu’en perdant la main, elle n’a plus le cœur à rire.

Lili n’a pas les yeux dans sa poche et sait se faire respecter, mais cette fois elle a pris un pied au derrière. Heureusement, elle a souvent les yeux plus gros que le ventre, et on devrait pouvoir les retrouver (les yeux) facilement. Et comme elle s’est mise le doigt dans l’oeil, en mettant sa main au feu qu'elle garderait son travail, en retrouvant ses yeux, on devrait retrouver son doigt, sa main, et son cœur.

Lili a perdu son travail faute de savoir tenir sa langue. On devrait la retrouver (la langue) dans l’estomac. Seulement voilà, Lili a depuis quelques temps l’estomac dans les talons. Comme, de plus, en même temps que son travail, elle a perdu pied, c’est plutôt embêtant. On ne sait plus trop où chercher le pied, l’estomac et la langue. Et comme en plus ventre affamé n’a pas d’oreille…

En voyant que Lili n’est plus qu’une moitié de femme, Toto fait une tête de six pieds de long. Il a le cœur au bord des lèvres et les bras qui lui en tombent. Il ne veut plus de Lili et s’enfuit ventre à terre, en prenant les jambes à son cou.

Avec Toto, Lili a trouvé chaussure à son pied. Comme en plus, elle  n’a pas froid aux yeux et a le feu au cul, elle ne veut pas lâcher le morceau. La voilà donc partie sur les talons de Toto. Elle lui saute dessus à bras raccourcis, en lui faisant un pied de nez et un bras d’honneur.

Ils se lancent dans la bataille à corps perdu. Un moment, on voit Lili qui tire l’oreille de Toto, en lui disant que ça lui fera les pieds. Toto l’a en travers de la gorge d’avoir perdu la face, surtout qu’il se retrouve bientôt cul par-dessus tête. Heureusement qu’il a les reins solides et le front populaire.

De son côté, Lili  n’a que la peau sur les os, mais, avec sa première victoire, elle a les chevilles qui enflent et n’y va pas de main morte. Elle y va même de bon cœur, lui criant qu’il faudra lui passer sur le corps, tout au moins sur ce qu’il lui reste, avant de l’abandonner.

Elle se met cependant le doigt dans l’œil jusqu’au coude si elle croit qu’elle va gagner les doigts dans le nez et que Toto va se laisser  faire.

Toto, qui aurait bien fait de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de demander la main de Lili, prend maintenant le problème à bras-le-corps et rend œil pour œil dent pour dent. Il ne veut pas finir « dans la poussière, les bras en croix ». Pour se donner du courage, il lance à Lili : « Ton bras est invaincu mais non pas invincible ! ».

Lili a bien l’intention de lui faire rentrer ses mots dans sa gorge. Mais Toto serre les fesses, reprend du poil de la bête et joue des coudes. Une première victoire lui remet du cœur au ventre et il parvient à échapper à Lili qui commence à lui sortir par les yeux.

De son côté, Lili est toujours sur les talons de Toto et fait des pieds et des mains pour lui mettre la corde au cou. Elle qui lui avait tapé dans l’œil, lui met maintenant un poing dans la figure et le mord à belles dents. Toto en tombe sur le cul.

Ce qui arriva par la suite, je ne sais pas trop. Ce dont je me souviens, c’est que j’ai cligné des yeux, et que, loin des yeux loin du coeur, Toto m’est sorti de la tête. Quant à Lili, je l’ai perdue corps et bien.

Ainsi finit cette histoire tirée par les cheveux et qui n’a ni queue ni tête.