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Michel SABATERY
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7 avril 2009

7 23 Bessan au fil du temps

Livre "Bessan au fil du temps"

 

Le livre "Bessan au fil du temps" porte sur sa couverture les noms de Michel Sabatéry et de Stéphane Pépin. Depuis sa parution en 2002, il était convenu de dire que le livre avait été écrit par ces deux Bessanais.

Stéphane Pépin s'étant permis d'utiliser des extraits sur internet avec sa seule signature et sans en informer Michel Sabatéry, celui-ci a décidé d'expliquer comment et par qui le livre a été écrit.

Toutes les recherches ont été réalisées par Michel Sabatéry, entre 1975 et 2000 ; En mairie, aux archives départementales de Montpellier et à la médiathèque de Béziers. Les 1040 photos  du livre ont été récoltées auprès des familles bessanaises par Michel Sabatéry. La totalité des textes ont été écrits par Michel Sabatéry. Stéphane Pépin a uniquement tapé les textes à l'ordinateur, sous la dictée de Michel Sabatéry.

 




 

LA DANSE ET LES LEGENDES DE L'ANE

de Michel Sabatéry

La fête de la Saint Laurent (1) approche, et avec elle la traditionnelle danse de l'Ane, l'animal totem de Bessan (2).

La préparation de l'Animal totem.

Quelques semaines avant la sortie de l'animal, les adolescents élisent deux chefs de jeunesse qui choisissent trois demoiselles d'honneur (3). Ils trouvent, auprès des amis et de la famille, les bras indispensables à la confection de fleurs en crépon et de fontanges (4) aux couleurs vives. La toile de chanvre, tendue sur une charpente de bois (5) qui donne sa forme à l'animal, est débarrassée de son ancienne parure (6). Les dessins de la « tuque » (7) et du coq gaulois, placés sur les flancs, sont rafraîchis. La tête, taillée dans la mousse, est restaurée (8). La queue, celle d'un cheval, a résisté. Bizarrement, elle ne paraît pas choquer les vieux paysans, pourtant habitués à faire la différence entre l'arrière train d'un âne et celui d'un cheval de trait. Le calicot destiné à cacher les danseurs, et sur lequel est écrit le nom de l'animal, est fixé au dernier moment.

Le samedi de la fête : L'Ane fait le tour des élus.

Les danseurs, choisis parmi les hommes forts du village, vu le poids de l'Ane, sont au nombre de cinq. Le premier danseur est habillé de blanc, depuis le bonnet jusqu'aux chaussures, et paré d'une ceinture tricolore, habitude prise probablement durant la période révolutionnaire. Il mène l'Ane au claquement du fouet. Les quatre autres danseurs sont dans le corps de l'animal qu'ils portent et font danser au rythme de la musique.

Les musiciens (9) suivent l'Ane en répétant inlassablement les mêmes morceaux. Les chefs de jeunesse précèdent l'animal, l'un d'entre eux tenant le drapeau tricolore qui flotte ainsi au vent. Depuis 1996, et à ma demande, le deuxième chef de jeunesse arbore le drapeau occitan. Les demoiselles d'honneur distribuent dans la population, de petites cocardes qu'elles portent piquées sur des coussinets, tandis qu'à côté d'elles, des amis agitent des tirelires.

L'Ane danse, se penche du côté gauche, puis du côté droit, recommence une deuxième fois, recule, avance et se dresse d'un coup, à la surprise des touristes ; tête en bas, queue dans les airs , soutenu seulement par le meneur et le premier danseur qui le font tourner sur lui-même ; pendant que les trois autres se préparent à le saisir au vol au moment de la chute. Ce pas de danse se répète, toujours pareil, variant toutefois lorsque les musiciens jouent une valse.

La tradition veut que l'Ane ouvre la fête le samedi le plus proche de la Saint Laurent, à 17 heures, au son des cloches ou des pétards. Il fait le tour du village et danse sur les places (10), où les élus municipaux l'attendent derrière une table improvisée garnie de boissons fraîches. Ricard et Rosé de Bessan coulent alors à flot et gratuitement, pour la plus grande joie des « festaïres », chaque année plus nombreux. La danse se poursuit ainsi jusqu'à la nuit tombée, l'ambiance grandissant à chaque arrêt sous l'effet de l'alcool.

Le dimanche : L'Ane assiste à la messe, puis danse devant les élus. La jeunesse distribue les fougasses.

Le dimanche matin, l'Ane se rend devant l'église. Il danse sur la place, et est béni par le curé qui reçoit, en retour, un bouquet des chefs de jeunesse et demoiselles d'honneur. Le cérémonial terminé, l'Ane entre dans l'église pour assister à la messe. La messe terminée, l'Ane danse une nouvelle fois sur la place, après quoi le curé offre à boire dans le jardin du presbytère.

Il est midi bien sonnés, lorsque l'Ane arrive devant la mairie, où l'attendent élus locaux, personnalités, et un bon millier de badauds, massés à l'ombre des platanes de la Promenade. Une fois encore, l'Ane virevolte, et les représentants de la jeunesse offrent des bouquets, cette fois au maire et à ses adjoints, au son d'une musique traditionnelle. En guise de remerciements, le maire fait son discours et invite la population à prendre un apéritif, pendant qu'un Bessanais chante la chanson de Bessan en Occitan (11).

La confection de l'Ane occasionne quelques frais. Une vente de fougasses (13) est donc organisée par la jeunesse, qui passe, le dimanche matin, de maison en maison, n'hésitant pas à tambouriner aux portes pour solliciter la générosité des habitants.

Le lundi et le mardi : L'Ane va dans les domaines agricoles et chez Ricard.

Le lundi et le mardi sont consacrés à la visite du centre d'élaboration Ricard (12) et des domaines agricoles de la commune. Après quoi l'Ane est enfermé jusqu'à la fête suivante, sortant à l'occasion pour des regroupements d'animaux totémiques.

La légende.

La danse de l'Ane est rattachée à une tradition orale qui se perpétue de génération en génération. On y parle d'un marché aux ânes ; d'une coutume qui voulait que l'on décore le plus beau de ces quadrupèdes et qu'on le promène dans les rues du village ; de l'âne qui s'échappa, une année, pour entrer dans l'église. Si les textes anciens n'indiquent pas de marché aux ânes à Bessan, ils mentionnent cependant la foire de la Saint Laurent autorisée par le roi François 1er ; foire où étaient forcément vendus des ânes si utiles aux paysans et aux bergers.

Une rumeur récente, probablement alimentée par quelques Gignacois, raconte qu'en 730, l'Ane de Gignac, tel les oies du Capitole, a prévenu les habitants de l'arrivée des ennemis ; Des Sarrasins qui, pour se venger, ont précipité l'animal dans l'Hérault, où il a suivi le courant jusqu'à Bessan. Evidemment cette rumeur n'a rien à voir avec notre légende.

L'importance de l'âne dans l'histoire.

L'âne a longtemps été essentiel à l'homme. Il a été, au cours de l'histoire, honnoré, jalousé, tourné en dérision, mais toujours présent. A Rome, l'âne était à l'honneur dans le culte de Vesta, déesse du foyer domestique, où il apparaissait couronné de fleurs et de petits pains de farine de blé. Une ressemblance curieuse avec l'Ane de Bessan et la distribution des fougasses.

L'âne fut associé au cérémonial des fêtes populaires. Au Moyen-Age, avait lieu un peu partout en France, une fête païenne durant laquelle, pour se moquer de l'autorité religieuse, la population élisait le plus fou du village. Ce roi ou prince des fous était promené sur un âne, avant d'entrer dans l'église. Il prenait alors la place du prêtre et récitait un semblant de messe, soutenu par les braiments de l'âne et du peuple. Après quoi, tous se précipitaient dans le choeur, où étaient accumulés vins et nourriture, mangeaient, chantaient des chansons licencieuses, dansaient, et pour finir se vautraient dans un coin. Promenade dans les rues, entrée dans l'église pour assister à la messe : encore des ressemblances avec l'Ane de Bessan.

(1) Saint-Laurent subit le supplice du gril, à Rome, le 10 août 258. Le dos cuit, il aurait dit au boureau : « Retourne-moi sur le ventre si tu veux que l'empereur ait de la viande bien cuite à manger ».

(2) Beaucoup d'autres animaux totémiques existent dans la région : l'Ane de Gignac, le Poulain de Pézenas, le Chameau de Béziers, le Boeuf de Mèze, le Loup de Loupian, le Hérisson de Roujan, le Chevalet de Florensac, etc.

(3) Les demoiselles d'honneur ont été rajoutées au début des années soixante.

(4) Les bandelettes de papier de couleurs vives, qui couvrent l'Ane, sont appelées fontanges, car elles font penser aux rubans que mademoiselle de Fontanges, maîtresse de Louis XIV, se mettait dans les cheveux. Depuis quelques années, une idée stupide consiste à mettre l'année en cours sur le dos de l'Ane, laissant croire aux touristes que notre totem est de création récente.

(5) Jusqu'à une époque récente, la carcasse de l'Ane était fabriquée à l'aide de cerceaux de châtaignier, les mêmes qui servaient à serrer entre elles les douelles des tonneaux de vin.

(6) Jusqu'aux années soixante, les enfants deshabillaient l'Ane sur la place, le lundi, au retour de la tournée dans les domaines.

(7) La Tuque est une coloquinte comme le melon ou la courge. Elle était encore utilisée comme bouteille par certains paysans au début du 20 ème siècle.

(8) Avant d'être en grillage recouvert de tissu, en mousse ou en résine synthétique, la tête de l'Ane était faite d'un bas de laine noire rempli de paille : un bas orné d'une langue rouge et de grelots.

(9) Longtemps, les musiciens ont été le joueur de hautbois et le joueur de tambour.

(10) Jusqu'à la fin du 20 ème siècle, l'Ane allait chez chaque conseiller municipal et chez les chefs de jeunesse. Le tour étant devenu trop long, on a opéré des regroupements. Les boissons d'abord réservées aux intervenants, ont été par la suite servies à toute la population, multipliant le nombre de spectateurs par dix.

(11) La chanson de Bessan ou « cansou de Bessan » a été écrite au début du 20 ème siècle par Emmanuel Ville.

(12) Le centre d'élaboration Ricard de Bessan fabrique la totalité de l'apéritif consommé dans le monde.

(13) Les fougasses sont des sortes de gâteau des rois ou de brioches.

 


 

A propos de la légende de l’Ane de Bessan.

 

Non, non, non et non, la légende racontée ces dernières années n’est pas la bonne.

Il est possible que, vers 730, l’Ane de Gignac ait averti les habitants de l’arrivée des Sarrasins. Possible encore que ces derniers l’aient jeté à l’Hérault pour se venger ; Mais ce n’est pas la légende de notre Ane.

Certes Claude Achard, auteur d’une étude sur les animaux totems, me parla d’un Gignacois qui lui avait raconté que les Bessanais avaient récupéré l’Ane dans le fleuve. Certes j’ai bien repris cette information dans le livre Bessan au fil du temps ; Mais cela reste une anecdote. C’est l’explication d’un étranger à la commune, peut-être un peu jaloux du succès de notre Ane. Je le répète, ce n’est en rien notre légende.

Il est certain qu’au Moyen âge , dans de nombreuses villes (Agde) et villages, le Roi des Fous, élu pour l’année, était promené sur un Ane, à travers les rues. Mais une fois encore, ces ânes n’ont rien à voir avec l’Ane de la légende de Bessan.

La légende de l’Ane de Bessan, transmise depuis des générations par les anciens du village, s’appuie sur un fait historique : La foire aux ânes autorisée par le roi François 1er. Elle raconte que chaque année, le plus bel âne de la foire était décoré de fontanges, puis promené dans les rues de Bessan ; Et qu’une année il s’échappa pour entrer dans l’église. Elle raconte enfin que, pour perpétuer cet évènement, notre jeunesse fabriqua un Ane totem, et le fit danser, avant de le faire entrer dans l’église le dimanche le plus proche de la Saint Laurent.

Cette légende fait remonter notre Ane à une période moins ancienne que l’Ane de Gignac ou ceux de la Fête des Fous, mais il faudra s’en contenter. On ne vend pas son âme pour quelques touristes de plus. Et après tout, un Ane datant de la Renaissance, ce n’est pas si mal.

 

Michel SABATERY  2007

 

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