Noir c'est noir
Noir c'est noir
de Michel Sabatéry
L’homme aux cheveux roux,
Qui traverse la rue,
Est tout couvert de bleus
Et rouge de colère.
Il entre dans un bar
Et malgré ses yeux verts,
Observe d'un oeil noir
Les clients du comptoir.
Accoudé, un p'tit blanc
Boit un litre de rouge
Pour voir la vie en rose,
Et est déjà tout noir.
Un Chinois au teint jaune,
Qui a bu et qu'est gris,
En voyant l'homme roux,
Devient tout vert de peur.
Quant au bonhomme noir,
qui maintenant rit jaune
A l’autre bout du bar,
Il a une peur bleue.
L’homme couvert de bleus
Est rouge de colère,
Et malgré ses yeux verts,
Cherche d'un œil tout noir.
Laissant le jaune gris,
Et le blanc qui est noir,
Il s’adresse au noir
Qui est blanc comme linge.
« T'as grillé le feu rouge ! »
« Suis passé à l’orange ! »
Proteste l’homme noir
En faisant grise mine.
Peu import’ la couleur !
L’homme couvert de bleus
Est rouge de colère,
Mais aussi vert de rage.
Il saisit l’homme noir
Par son bleu de travail,
Lui envoie un marron,
Puis lui serre le col
Jusqu’à ce qu’il devienne
De toutes les couleurs.
Et pendant ce temps là,
D’un juke-box à trois sous,
Monte la voix puissante
De Johnny Hallyday
Qui chante : « Noir c’est noir,
Il n’y a plus d’espoir… »