Le champ d’honneur

Le champ d’honneur
de Michel Sabatéry


Ils n’ont jamais taillé la vigne,
Ils n’ont jamais semé de blé ;
Mais au galop sur leurs chevaux,
Ils ont partout couché les blés
Et saccagé nos belles vignes,
Prenant plaisir à massacrer
De leur hache ou de leur épée
Les culs-terreux qui s’y trouvaient.

Ils n’ont jamais bâti maison ;
Mais au galop sur leurs chevaux
Ils ont partout incendié.
Partout ils ont pillé châteaux
Palais, temples et cathédrales,
Prenant plaisir à massacrer
De leur hache ou de leur épée
Tous les manants qui s’y trouvaient.

Ils ont violé et culbuté
Maintes filles qu’ils ont croisées
Au hasard de leurs chevauchées,
Prenant plaisir à massacrer
De leur hache ou de leur épée
Les moins jolies les plus âgées
Et celles qui leur résistaient
Ne voulant pas se laisser prendre.

A leur retour dans leurs châteaux,
Chargés de mille et un trésors,
Ont festoyé comme il se doit
Et convolé en juste noce
Avec jeune et belle pucelle
Aux longs cheveux, aux seins mignons,
Et puis ont eu maints héritiers
Qui ont très tôt tenu épée.

Putain de vie, putain de vie,
Pourquoi faut-il que quelques hommes,
Guerriers sans âme et assassins,
Cherchent sans cesse à transformer
Les champs de blé en champ d’honneur,
En rajoutant sans nul remord
Le sang des femmes et des enfants
Au rouge des coquelicots.

Au rouge des coquelicots.